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mardi, novembre 03, 2009

62 heures à l'urgence de l'hôpital Saint-Luc

Deuxième de trois textes.

Le mot hôpital appartient à la même famille étymologique que le mot hospitalité, défini, selon l'emploi ancien, comme un acte de « charité qui consiste à recueillir, à loger et nourrir gratuitement les indigents, les voyageurs dans un établissement prévu à cet effet ». Quand je suis arrivé à l'urgence de l'hôpital Saint-Luc, c'est d'abord ce qui m'a frappé : l'accueil, la prise en charge consciencieuse. Nul ne semble excédé ici, accablé par le système ; les voix sont posées, parfois enjouées, et, pour peu qu'on y mette du sien, on s'y amuse.

Pour que Gigi puisse s'assoir, un type nous a d'abord spontanément conduits un peu à l'écart, dans une petite salle tranquille, réservée aux chirurgies légères. La chaise fut en effet très appréciée ; moins, cependant, la poubelle tout près, remplie de seringues et de lingettes souillées de sang. Quant à moi, je ne vois que ce qui entre dans mon champ de vision statique : le plafond devant, les épaules et la tête de Gigi à ma gauche et, de temps à autres, un préposé d'au moins 100 ans qui postillonne sur moi, un médecin, le Dr Brissette qui voudrait bien baiser ma Gigi, une inhalothérapeute, Magalie, moitié haïtienne, moitié congolaise, délicieusement chocolatée, croquable, et qui m'a rendu presqu'agréable le test de dépistage du H1N1.

Quatre heures après mon admission, j'avais passé tous les tests, répondu à toutes les questions, d'ailleurs toujours les mêmes : on me plaçait sous observation dans la chambre 39. La meilleure, face au poste, ce qui n'est pas un détail : n'étant pas capable d'appuyer sur le bouton de la cloche, je peux appeler le personnel de vive voix.

À 5 h du matin, Gigi me quitte pour aller travailler. À 8 heures, Irène, que j'avais finalement réussi à rejoindre la veille après plusieurs appels anxieux, arrive enfin. Infirmière auxiliaire à la retraite depuis peu, ma sœur sait s'occuper de moi. Au point où le personnel me fera remarquer à deux reprises à quel point je suis chanceux de l'avoir. Et c'est vrai. Sa générosité ne se tarit pas. Pas plus que celle de Catinette, elle aussi infirmière auxiliaire, qui, malgré un horaire surchargé, a trouvé le temps de venir s'occuper de moi les deux soirs que j'ai passés à l'urgence. Et c'est ce qui me frappe tout à coup : tant de gens font tant d'efforts – sans m'en rendre compte à ce moment-là, j'exagérais tout de même un peu –, tant d'efforts pour me garder en vie que, cette vie, ce serait me montrer bien ingrat de ne pas l'apprécier pleinement.

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