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samedi, janvier 02, 2010

Bilan 2000-2009. Clivage Nord-Sud

Ma brève revue de la dernière décennie.

Bien sûr, tout d'abord, l'incontournable 11 septembre 2001, événement inimaginable, dont la charge symbolique n'a pas fini de nous hanter. L'effondrement des deux gratte-ciel a brusquement mis au jour, en ce début de XXIe siècle, la vulnérabilité d'une Amérique qui se croyait toute puissante. Quand Bush lance, quelques mois après les attentats, ses armées sur le pays du dictateur Saddam Hussein, cette Amérique-là, nous ne le savons pas encore, a déjà cessé d'exister. Les deux guerres menées concurremment contre l'Irak et l'Afghanistan vont nous confirmer dans l'horreur et le sang ce changement profond : un Islam radical émerge et défie l'ordre établi, lequel est fondé sur l'appropriation de la richesse, l'intimidation militaire et l'injustice.

La crise économique qui a frappé à l'échelle mondiale en fin de décennie s'inscrit dans cette évolution. Son épicentre, situé aux États-Unis, montre un pays atteint au cœur de sa puissance, incapable de s'imposer face aux pays « émergeants » que sont le Brésil, l'Inde et, surtout, la Chine. Cette dernière, entrée à l'OMC deux mois après les attentats, est désormais un partenaire et un adversaire économique de premier plan. La Chine, comme nous l'avons constater en décembre dernier, lors de la conférence de Copenhague sur le climat, en impose.

Mais il n'y a pas que l'Asie. Ici, sur cette grande île qu'est notre continent, la donne géopolitique évolue rapidement. Les médias n'ont pas souligné ce qui constitue, à mon avis, un événement de première importance : l'émergence tant espérée d'une autre Amérique, latine celle-là, menée par des gouvernements de gauche non inféodés aux États-Unis. Le Brésil, puissance régionale affirmée, le Vénézuela de Hugo Chavez, l'Argentine, l'Équateur, l'Uruguay, la Bolivie, tous ces pays, auxquels nous pourrions encore ajouter le Chili, ont abandonné, à des degrés divers, les politiques « néolibérales » jusque-là imposées par le FMI et la Banque mondiale, et se sont tournés vers un type de développement plus soucieux des immenses besoins sociaux. Plus que Barak Obama, l'élection la plus significative et porteuse d'espoirs fut celle, historique, d'Evo Morales à la présidence de la Bolivie. Pensons-y un instant : un aborigène, un Aymara, peuple méprisé comme le sont toutes les first nations, prend les commandes du pays et impose ses réformes à une élite outrée, corrompue et raciste. Les vrais Nègres, sur cette terre d'Amérique, ce ne sont plus les Noirs mais eux, les aborigènes, ne l'oublions jamais. (1)

En novembre 2001 s'amorçait, dans le cadre de l'OMC, le cycle de Doha, du nom de la capitale du Qatar, cycle de négociations destinées à libéraliser le commerce des produits agricoles de manière à favoriser les pays en voie de développement (PVD) en leur offrant un meilleur accès au marché des pays développés. Impliquant 153 pays, ces négociations, qui devaient aboutir à un accord en 2004, se sont vite transformées en un affrontement Nord-Sud et sont aujourd'hui dans une impasse. « De nombreux membres [de l'OMC] ont pointé du doigt la mauvaise volonté des Américains qui paralysent les négociations depuis des mois. » (2) Pendant ce temps, une crise alimentaire frappait à une échelle sans précédent. En quelques mois, en 2008, 100 millions de pauvres étaient jetés dans la précarité extrême, portant leur nombre à près d'un milliard. Cette crise a plusieurs causes, la plupart impliquant directement les pays développés, comme la spéculation sur les marchés à termes, le détournement des terres agricoles vers la production de biocarburant, le réchauffement climatique...

À ce propos, j'ai mentionné plus haut la conférence de Copenhague, tenue en décembre 2009, en clôture de la décennie : c'est, à mon avis, un autre événement phare. Cent quatre-vingt-douze pays réunis, 15 000 personnes, négociateurs, représentants d'ONG et du milieu des affaires, journalistes. Du jamais vu. Nul ne peut désormais douter de l'importance des problèmes environnementaux, devenus aussi bien des problèmes sociaux, donc politiques. Une évolution marquante au cours des dix dernières années. Mais qui, malheureusement, arrive trop tard.

Échec du cycle de Doha, échec à Copenhague... Les dix dernières années semblent marquées par un durcissement du clivage Nord-Sud. L'hégémonie états-unienne qui s'affaiblit, la montée des PVD, regroupés dans le G77, emmenés par la Chine, l'Inde et le Brésil, tout cela dans le contexte d'une triple crise environnementale, économique et alimentaire : la prochaine décennie s'annonce charnière, déterminante, et passionnante.

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(1) AFP. « Un rapport de l'ONU - Les indigènes meurent jeunes ». Le Devoir [En ligne] (Vendredi, 15 janvier 2010) (Page consultée le 16 janvier 2010)

(2) AFP. « Les ministres devront accélérer s'ils veulent conclure Doha en 2010 ». Le Devoir [En ligne] (Jeudi, 3 décembre 2009) (Page consultée le 2 janvier 2010)

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