Rechercher dans ma chambre

mardi, janvier 26, 2010

Patchwork haïtien

Rien à faire. Pendant des heures, j’ai travaillé à rassembler mes notes, à structurer un propos… Je n’y arrive pas. Cette catastrophe est au-delà de mes forces. Trop de journalistes rédigent trop d’articles sur ce qui se passe en Haïti. Il y a trop à dire, trop à penser. Trop d’événements dans ce désordre, trop de casques bleus, trop de soldats américains, canadiens, trop d’ONG, trop de travaux urgents, trop de malheurs, trop de pauvres, de sinistrés, trop de gravats, trop de morts, trop de tout dans ce pays où tant de gens n’ont plus rien.

Voici, en vrac, pêle-mêle, des extraits qui ont retenu mon attention. Chaque extrait est coiffé d’un titre. Une idée que j’ai emprunté à Laferrière.

Un patchwork qui aura une suite.

*

La dette

Lorsque j'entends des calculs savants concernant le coût de l'aide canadienne à Haïti, j'éprouve toujours un sentiment étrange. Je ne comprends pas pourquoi cet effort n'est pas comptabilisé dans la colonne du remboursement de la dette. A-t-on pensé un seul instant au nombre d'ingénieurs, de chimistes, d'enseignants et d'écrivains qu'Haïti nous a offerts sur un plateau d'argent depuis un demi-siècle ?

Haïti n'a pas de mines et encore moins de pétrole. Mais il a des cerveaux. Comme le disait Dany Laferrière, « la culture est la seule chose que Haïti a produite ». Son élite est même l'une des plus brillantes au monde, comme en témoignait de façon éloquente le géographe Georges Anglade, mort la semaine dernière à Port-au-Prince et qui fut l'un des fondateurs de l'Université du Québec à Montréal. (1)

L’État haïtien

La désorganisation de l'État a d'ailleurs frisé la catastrophe, dit-il. « Si le président René Préval était mort dans l'effondrement du palais présidentiel, il n'aurait pas eu de successeur. » Selon la Constitution, dans ce genre de situation, c'est le président de la Cour de cassation qui prend la succession. Or Préval n'a jamais nommé personne à ce poste. (2)

Solidarité haïtienne

Mais il faut préciser ici que la solidarité locale joue un rôle essentiel, à Haïti comme partout dans ce genre de situation. La plupart des personnes qui ont été sorties des décombres ont été sauvées par leurs voisins, de même que la nourriture et les autres formes d'entraide ont été assurées par les Haïtiens eux-mêmes. À considérer les reportages, il semble que seule l'aide provenant de l'étranger soit homologuée comme telle, alors que l'aide locale, pourtant primordiale, est ignorée. Il est vrai que la solidarité quotidienne ne fait pas de bruit et n'offre pas de spectacle, contrairement aux rassemblements menaçants et aux scènes de violence. (3)

Les forêts

S'il y a tellement de gens massés dans Port-au-Prince et ces bidonvilles qui leur sont tombés sur la tête, c'est que la population a massivement quitté des campagnes et des régions forestières qui ne peuvent plus leur fournir nourriture, vêtements et gîte sécuritaire.

Les forêts d'Haïti couvraient autrefois 80 % de l'île. Il en reste aujourd'hui entre 1 % et 2 %. Leur disparition s'est accélérée récemment, car ces forêts couvraient encore 20 % du territoire haïtien en 1960. (4)

Promesses

Aujourd'hui à Montréal, le monde se porte au chevet d'Haïti et prépare une grande conférence internationale — sans doute en mars ou en avril — qui aura lieu tout juste un an après un autre exercice du même genre, à Washington en avril 2009, qui avait abouti à des promesses de 350 millions de dollars. Promesses dont on attendait toujours la concrétisation à la veille du séisme. (5)

L’enfer

Je me suis dit que l'enfer sur Terre, c'est ici, c'est maintenant, en cet après-midi surchauffé, à Solino. Sauf que ce n'est pas vrai. Il n'a pas plu depuis deux semaines, à Port-au-Prince. Quand il pleuvra, quand le plancher de ces gens sera un champ de boue, là, ce sera l'enfer. (6)

Froideur administrative

Le message officiel lancé par le ministre canadien de l'Immigration lundi était bien sûr un message de solidarité et de compassion à l'endroit du peuple haïtien. Jason Kenney a parlé de « mesures spéciales » et de « traitement prioritaire » pour les dossiers de réunification des familles haïtiennes. Dans les faits, au-delà du beau discours, les mesures annoncées ne sont malheureusement pas d'un grand secours pour les victimes du séisme et leurs proches.

Une situation exceptionnelle commande des mesures exceptionnelles. « Qu'est-ce que je réponds à ma mère qui me dit : J'ai survécu au tremblement de terre, mais là, je vais mourir de faim ? » La question troublante posée à Marjorie Villefranche, de la Maison d'Haïti à Montréal, illustre bien le désarroi de la communauté haïtienne et l'urgence d'agir. Or, pour l'heure, comme l'a bien dit Mme Villefranche, Ottawa n'a offert qu'une « réponse froide et administrative » au désarroi de la communauté. (7)

Le peuple haïtien

Ce n'est pas le malheur d'Haïti qui a ému le monde à ce point, mais la façon dont ce peuple fait face à son malheur. Ce désastre aura fait apparaître, sous nos yeux éblouis, une forêt de gens remarquables que les institutions (l'État, l'Église, la police et la bourgeoisie) nous cachaient. Il a fallu qu'elles disparaissent momentanément pour qu'on voie apparaître ce peuple à la fois discret et fier. (8)

La dette bis

Je me souviens de l'embarras de la ministre de l'Immigration du Québec, Yolande James, lorsque je lui avais demandé si le Québec ne contribuait pas au pillage des pays pauvres en sélectionnant les travailleurs les plus qualifiés. Elle s'était contentée de répondre que le Québec n'avait pas le choix devant la concurrence. (1)

Le temps

Je ne savais pas que 60 secondes pouvaient durer aussi longtemps. Et qu'une nuit pouvait n'avoir plus de fin. Plus de radio, les antennes étant cassées. Plus de télé. Plus d'Internet. Plus de téléphones portables. Le temps n'est plus un objet qui sert à communiquer. On avait l'impression que le vrai temps s'était glissé dans les 60 secondes qu'ont duré les premières violentes secousses. (9)

__________

(1) Rioux, Christian. « Les vrais pilleurs ». Le Devoir [En ligne] (Vendredi, 22 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(2) Rioux, Christian. « De l'aide, pas la charité ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 23 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(3) Brauman, Rony. « Libre opinion - De l'aide adossée aux solidarités locales ». Le Devoir [En ligne] (Lundi, 25 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(4) Francoeur, Louis-Gilles. « Analyse - Haïti: la viabilité passe par le reboisement ». Le Devoir [En ligne] (Vendredi, 22 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(5) Brousseau, François. « Reconstruire ». Le Devoir [En ligne] (Lundi, 25 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(6) Lagacé, Patrick. « Mes excuses, Marcellin ». Cyberbresse.ca [En ligne] (Lundi, 25 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(7) Elkour, Rima. « Bienvenue chez nous, mais restez chez vous ». Cyberbresse.ca [En ligne] (Mercredi, 20 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(8) Laferrièr, Dany. « Le moment Haïti ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 23 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

(9) Laferrière, Dany. « Tout bouge autour de moi ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 23 janvier 2010) (Page consultée le 26 janvier 2010)

Aucun commentaire: